Marc’Andria Grand maître d’échecs et Dyspraxique

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Marc’Andria Maurizzi n’est pas seulement un prodige des echec : il incarne une façon différente de penser le jeu et la réussite. Originaire de Corse, il est devenu à quatorze ans le plus jeune grand maître international français de l’histoire, puis champion du monde junior à seize ans. Derrière ces chiffres, il y a une trajectoire humaine singulière, marquée par la dyspraxie — un trouble moteur et d’apprentissage qui rend l’écrit, les gestes et parfois l’organisation du quotidien plus difficiles.

C’est à l’école, en CP, que Marc’Andria découvre les échecs. En Corse, le jeu est largement diffusé à l’école primaire : une initiation hebdomadaire, des clubs vivants et des tournois le week-end servent de terrain d’entraînement et de détection des talents. Pour lui, l’accroche est immédiate. Rapidement, il commence à battre des adversaires plus âgés sans suivre une préparation « classique ». Sa force : une mémoire remarquable et une capacité d’abstraction qui compensent les contraintes pratiques imposées par sa dyspraxie.

La dyspraxie se manifeste chez lui par une écriture difficile et des gestes maladroits. Prendre des notes pendant un stage en anglais avec Garry Kasparov s’est avéré compliqué : il comprend les coups, mais pas toujours les commentaires oraux. Plutôt que de paniquer, il transforme cette contrainte en stratégie : travailler en observant, répéter mentalement, ancrer les idées par la pratique. Les échecs, pour lui, ne sont pas qu’un sport cérébral ; c’est un outil qui structure la pensée, entraîne la logique et offre un cadre où les difficultés motrices comptent moins que l’intuition et la stratégie.

La vie d’un joueur au sommet alterne entre rigueur et vécu ordinaire. Les tournois exigent des marathons de concentration — plusieurs heures par partie, parfois jusqu’à sept heures — et des déplacements fréquents. Marc’Andria, malgré sa timidité, partage des goûts simples : le rap, les concerts, des sorties entre amis. Il a aussi pris un chemin éducatif atypique : l’école traditionnelle ne convenait pas, il a arrêté le lycée, une décision pesée face à l’épuisement scolaire. Les parents ont hésité, mais l’option a permis à Marc’Andria de se consacrer à sa passion sans se perdre dans des formats qui le mettaient en difficulté.

Son parcours éclaire un point souvent négligé : les talents neurodivergents peuvent s’épanouir quand on adapte l’environnement plutôt que d’exiger une conformité aveugle. La Corse, avec son programme scolaire d’échecs et la dynamique des clubs, a créé un terreau fertile ; la Fédération française a lancé des initiatives sur ce modèle pour élargir l’accès. Le cas de Marc’Andria montre que l’inclusion n’est pas une dépense, mais un levier de découvertes humaines et sportives.

Au-delà des titres et des performances, Marc’Andria rappelle que la réussite peut rimer avec singularité. Sa trajectoire invite à repenser l’accompagnement scolaire et sportif : offrir des formats flexibles, valoriser la pratique et reconnaître que la différence cognitive ou motrice peut devenir une ressource quand elle est comprise et soutenue. Pour qui réfléchit à l’éducation et à l’inclusion, son histoire est une petite partie d’échiquier qui fait basculer la partie.

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