Parcours de santé d’un enfant DYS : les étapes clés

Temps de lecture : 9 minutes

Des premiers doutes au diagnostic : les signaux d’alerte

Repérer un trouble DYS chez son enfant, c’est souvent un sentiment diffus qui s’installe. Au début, on se dit : “C’est normal, chaque enfant a son rythme.” Mais à l’école, certaines difficultés inhabituelles peuvent mettre la puce à l’oreille. Quels sont les signaux d’alerte ? Par exemple :

  • En maternelle : l’enfant a un langage tardif ou difficile à comprendre (possible dysphasie), il a du mal à retenir les comptines, ou encore des difficultés étonnantes pour des tâches motrices (faire un puzzle très simple, sauter à cloche-pied…).
  • En CP/CE1 : un apprentissage de la lecture très laborieux malgré les efforts, des confusions de lettres fréquentes (b/d, p/q) qui persistent, ou une écriture presque illisible et extrêmement lente (signe possible de dyslexie et/ou dyspraxie).
  • En primaire en général : une lenteur excessive dans les devoirs, des problèmes pour retenir les tables de multiplication ou pour s’organiser, des oublis constants. L’enfant peut montrer de la détresse par rapport à l’école, se sentir bête alors qu’il fournit beaucoup d’efforts.
  • Au collège : les troubles non détectés plus jeune se manifestent souvent par un décrochage ou une chute des notes. Un élève dyslexique non aidé pourrait, par exemple, ne plus arriver à suivre le rythme de lecture demandé en classe de 5ème, ou un élève dyspraxique sans ordinateur voir ses copies illisibles et perdre des points.

Chaque trouble DYS a ses signes. Ce sont souvent les enseignants qui tirent la sonnette d’alarme en premier. Si l’école vous parle de difficultés qui perdurent malgré le soutien scolaire classique, il est temps d’envisager des démarches.

Vers le diagnostic : qui consulter et comment ?

Une fois le doute installé, il faut mettre un nom sur les difficultés de votre enfant. Le parcours de diagnostic peut sembler complexe, mais vous n’êtes pas les premiers à l’emprunter – et des professionnels sont là pour vous guider.

Étape 1 : en parler à votre médecin ou pédiatre. Le réflexe de base est de consulter votre médecin traitant (ou le pédiatre de l’enfant). Il vous connaît, suit l’historique médical, et pourra d’abord écarter d’éventuels problèmes sensoriels (audition, vision) ou médicaux qui pourraient expliquer les symptômes. Par exemple, des troubles de l’audition peuvent causer des retards de langage, donc il faut vérifier ces points. Si le médecin suspecte un trouble DYS, il vous orientera vers les spécialistes adaptés et pourra déjà prescrire certains bilans (une ordonnance est nécessaire pour être remboursé des bilans paramédicaux comme l’orthophonie).

Étape 2 : faire réaliser les bilans auprès de spécialistes. En France, le diagnostic des troubles DYS repose sur plusieurs bilans complémentaires. Les principaux sont :

  • Le bilan orthophonique : réalisé par un orthophoniste, il évalue le langage oral et écrit. Indispensable en cas de suspicion de dyslexie, dysorthographie, dysphasie ou dyscalculie. L’orthophoniste teste par exemple la conscience phonologique, la lecture, l’orthographe, la compréhension, etc., et produit un compte-rendu détaillé.
  • Le bilan psychomoteur : effectué par un psychomotricien, il explore la motricité fine et globale, le repérage spatial, la coordination. On le préconise surtout s’il y a un doute de dyspraxie (trouble de la coordination) ou de dysgraphie. Là aussi un compte-rendu est rédigé, parfois avec des conseils de rééducation.
  • Le bilan neuropsychologique : réalisé par un neuropsychologue (ou parfois un psychologue spécialisé), il dresse le profil cognitif de l’enfant. Au menu : tests de QI, d’attention, de mémoire, d’organisation, etc. Ce bilan est très utile pour affiner le diagnostic (par exemple distinguer une dyslexie d’un trouble de l’attention, ou mettre en évidence plusieurs troubles associés). C’est souvent le plus long (plusieurs heures de tests étalées sur un ou deux jours) et il aboutit à un rapport détaillé.
  • Autres examens : selon les cas, on peut compléter par un bilan ergothérapique (sur l’autonomie et les gestes du quotidien), un bilan orthoptique (vision), ou une évaluation par un pédopsychiatre si l’on suspecte un TDAH (trouble de l’attention avec hyperactivité) en plus, par exemple.

Étape 3 : obtenir le diagnostic final. Le diagnostic d’un trouble DYS est un exercice de puzzle : on assemble les pièces des différents bilans. Parfois, c’est le médecin de rééducation ou un neuropédiatre qui posera le diagnostic définitif, surtout si vous consultez dans un centre multidisciplinaire (de type centre référent des troubles d’apprentissage dans un hôpital). Mais souvent, c’est une conclusion collégiale : l’orthophoniste peut dire clairement “dyslexie sévère” dans son bilan. Avec ces éléments, votre médecin traitant pourra écrire un certificat médical précisant le trouble diagnostiqué.

Il faut s’armer de patience : ce parcours peut prendre plusieurs mois, voire plus d’un an. Pourquoi si long ? Parce qu’il y a malheureusement une pénurie de professionnels dans certains domaines. Par exemple, les orthophonistes sont débordés : dans certaines régions, les familles attendent 18 mois ou plus avant d’obtenir un rendez-vous. Ce délai d’attente moyen d’un an se retrouve aussi pour les bilans en neuropsychologie. Il est donc crucial de lancer les démarches dès que possible.

Exemple concret : La petite Inès, en CE2, montrait depuis le CP de grosses difficultés en lecture et orthographe. En fin de CE2, ses parents ont consulté leur médecin traitant qui a prescrit un bilan orthophonique. Après 8 mois sur liste d’attente, Inès a enfin fait son bilan : le verdict est tombé – dyslexie-dysorthographie sévère. En parallèle, un bilan psychomoteur a éliminé une dyspraxie. Armés de ces rapports, les parents d’Inès ont pu mieux comprendre ses besoins et engager les bonnes rééducations.

Le rôle du médecin traitant et de la MDPH dans le parcours de soins

Votre médecin traitant (ou pédiatre) reste un allié clé tout au long de ce parcours. Non seulement il oriente initialement, mais c’est souvent lui qui va centraliser les informations et accompagner sur la durée :

  • Il prescrit les bilans (ce qui permet le remboursement par la Sécurité sociale à 60% et le complément par la mutuelle pour l’orthophonie notamment).
  • Il suit l’évolution de votre enfant, peut exclure d’autres causes médicales, et coordonne éventuellement avec des spécialistes (pédopsychiatre, neurologue…) si besoin.
  • Surtout, c’est lui qui rédige le certificat médical pour la MDPH si vous engagez cette démarche. Ce document est crucial pour appuyer la demande de reconnaissance du trouble de votre enfant comme handicap.

Parlons justement de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées). Toutes les familles d’enfants DYS ne font pas forcément un dossier MDPH, mais c’est une étape à connaître. La MDPH est l’organisme public chargé de reconnaître le handicap et d’ouvrir des droits (scolarisation adaptée, aides financières…). Si votre enfant a un trouble DYS qui impacte fortement sa scolarité au point de nécessiter des aménagements importants (par exemple une AESH à plein temps, ou du matériel coûteux), cela vaut la peine de solliciter la MDPH :

  • Reconnaissance officielle : Vous remplirez un dossier (comme décrit dans l’article 1) afin que la CDAPH de la MDPH statue. Si elle reconnaît le trouble comme un handicap “troubles cognitifs et apprentissages”, votre enfant aura un statut d’élève en situation de handicap. Cela permet de bénéficier d’un PPS (projet personnalisé de scolarisation) et d’être prioritaire pour certaines aides.
  • Aides humaines et techniques : La MDPH peut attribuer une AESH (accompagnant scolaire) pour aider votre enfant en classe, du matériel (ordinateur, logiciel de synthèse vocale…) pris en charge par l’Éducation nationale, ou une orientation en classe spécialisée (ULIS) si nécessaire.
  • Aides financières : via la CAF, la MDPH peut ouvrir droit à l’AEEH (Allocation d’Éducation de l’Enfant Handicapé), une somme mensuelle pour compenser les dépenses liées au handicap. Il existe aussi des compléments AEEH si vous devez, par exemple, payer de nombreuses séances non remboursées (ergothérapie, psychomotricité…) ou réduire votre activité professionnelle. (Pour en savoir plus sur ces aides, voir notre article « CAF et DYS : quelles aides pour votre enfant ? » sur Dysclick).

Attention, obtenir une reconnaissance MDPH n’est pas automatique. Certains enfants avec dyslexie “modérée” se débrouillent avec un PAP et n’auront pas de dossier MDPH. D’autres, avec plusieurs troubles lourds, en auront absolument besoin. Ne voyez pas la reconnaissance MDPH comme une étiquette stigmatisante, mais comme un passeport pour des aides. Si votre enfant en a besoin, cela lui facilitera la vie et lui donnera les mêmes chances que les autres.

Délais, coût, désert médical : un parcours du combattant

Beaucoup de parents comparent ce parcours de santé à un marathon : il faut de l’endurance et de la ténacité. Plusieurs obstacles peuvent se dresser :

  • Les délais d’attente : Comme évoqué, obtenir un rendez-vous chez un orthophoniste, un ergothérapeute ou un CMPP peut prendre des mois voire plus d’un an. Idem pour intégrer un centre spécialisé. Pendant ce temps, l’enfant continue à être en difficulté à l’école, ce qui est très frustrant. N’hésitez pas à relancer régulièrement les cabinets où vous êtes en liste d’attente, parfois un désistement peut avancer votre tour.
  • Le coût financier : Si les bilans et séances d’orthophonie sont remboursés en bonne partie, ce n’est pas le cas de tout. Les séances chez le neuropsychologue, l’ergothérapeute ou le psychomotricien en libéral ne sont pas prises en charge par la Sécu (ces professions ne sont pas conventionnées). Une évaluation neuropsychologique complète coûte souvent plusieurs centaines d’euros. Les séances d’ergo/psychomot sont à la charge des parents (sauf à être en hôpital de jour ou CMPP). Il existe des aides (MDPH, mutuelles qui proposent un forfait “médecines douces”, etc.) mais il faut avancer les frais et monter les dossiers.
  • Le désert médical : Dans certaines zones rurales (et même urbaines), il n’y a tout simplement pas de spécialistes disponibles à une distance raisonnable. Par exemple, aucun orthophoniste dans un rayon de 50 km, ou pas de CMPP à proximité. Cela oblige les familles à faire de la route chaque semaine ou à se tourner vers des solutions alternatives (téléconsultations, etc.). C’est épuisant pour tout le monde.
  • La charge mentale : Suivre toutes ces démarches en plus du quotidien peut peser lourd. Remplir les formulaires, appeler X professionnels, suivre les rendez-vous, tout cela demande du temps et de l’énergie. Il ne faut pas hésiter à se faire aider (par l’autre parent, les grands-parents, un ami) pour, par exemple, garder la fratrie pendant un rendez-vous à l’autre bout du département, ou juste pour souffler.

Malgré ces difficultés, de nombreuses familles arrivent au bout du parcours et obtiennent les prises en charge nécessaires. N’oubliez pas que « le plus long des voyages commence par un premier pas ». Chaque appel passé, chaque bilan effectué, vous rapproche de la solution.

Astuces et solutions pour faciliter le parcours de soins

Heureusement, il existe des ressources et des astuces pour vous aider à surmonter les obstacles :

  • Les plateformes de coordination et d’orientation (PCO) : Depuis quelques années, l’État a mis en place des PCO Troubles du Neurodéveloppement dans chaque département pour accélérer le diagnostic des enfants de 0 à 12 ans. Concrètement, si votre enfant présente un trouble du développement (langage, apprentissages, autisme, etc.), votre médecin peut vous orienter vers la PCO locale. La plateforme PCO va coordonner rapidement des bilans chez des professionnels, « sans frais pour vous » grâce au forfait précoce. L’intérêt est de gagner du temps : plus besoin d’attendre 18 mois sur une liste, la PCO prend le relais pour planifier des examens sous ~3 mois. Par exemple, Paul, 6 ans, suspecté dyspraxique, a pu bénéficier via la PCO d’un bilan ergo et neuropsy en quelques semaines, pris en charge financièrement. À noter que les PCO s’adressent aux enfants sans reconnaissance MDPH (justement pour éviter d’attendre une notification handicap pour agir).
  • Les centres spécialisés (CRTLA, CMPP, CAMSP) : Derrière ces acronymes, on trouve des structures pluridisciplinaires souvent publiques. Les Centres Référents des Troubles du Langage et des Apprentissages (CRTLA) sont des services hospitaliers (un par région environ) qui peuvent faire passer des bilans approfondis par une équipe complète (neuropédiatre, orthophoniste, psy…). L’accès se fait sur orientation médicale, avec souvent un certain délai, mais c’est gratuit et très complet. Les CAMSP (Centres d’Action Médico-Sociale Précoce) accueillent les 0-6 ans pour des dépistages et suivis précoces. Les CMPP (Centres Médico Psycho-Pédagogiques) prennent en charge les 6-20 ans pour des troubles psychologiques ou des apprentissages : on y trouve orthophonistes, psychologues, psychomotriciens, etc., le tout financé par la Sécurité sociale (donc gratuit pour les familles). Ces structures ont l’avantage d’offrir un accompagnement global et d’alléger le coût, mais pâtissent d’un manque de moyens (d’où des listes d’attente importantes).
  • Les associations de familles et groupes de parole : Ne restez pas seul dans votre coin ! Des associations comme France Dys, APEDYS, Dyspraxique Mais Fantastique, etc., proposent informations et entraide. Elles peuvent vous orienter vers des professionnels de confiance, vous expliquer les démarches, voire organiser des ateliers (par exemple des ateliers d’écriture pour enfants dysgraphiques, ou du tutorat entre parents). Parfois, discuter avec un parent « qui est passé par là » donne des idées et rebooste le moral.
  • Les solutions numériques et la télésanté : La pandémie a accéléré l’émergence de la téléconsultation. Aujourd’hui, certaines orthophonistes proposent de suivre des patients en visio (quand le contexte s’y prête). De même, des plateformes en ligne aident à faire travailler son enfant en attendant la prise en charge : par exemple des applications ludiques pour exercer la lecture, la mémoire, la dactylographie… Ce ne sont pas des remèdes miracles, mais en complément ça peut aider votre enfant à progresser et maintenir sa confiance en lui.
  • Le Plan national pour les TND : Les pouvoirs publics ont pris conscience des problèmes de prise en charge. En 2023, une stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement a été lancée, avec 680 millions d’euros de financement, pour améliorer le dépistage précoce et la qualité des accompagnements. Cela passe par la formation de plus de professionnels, la création de places supplémentaires en CMPP, et le soutien aux solutions innovantes (plateformes numériques, etc.). Les effets ne sont pas immédiats, mais c’est un signe encourageant que les choses bougent.

Garder le cap : le bien-être de l’enfant avant tout

Au milieu de toutes ces démarches, il est facile de s’épuiser et de perdre de vue l’essentiel : le sourire et les progrès de votre enfant. Chaque petit pas compte : le jour où il réussit à lire tout seul une page d’histoire, le jour où il revient de l’école fier d’avoir eu la moyenne à sa dictée grâce aux aménagements… Ces victoires-là font oublier bien des nuits passées à remplir des formulaires !

En tant que parent, n’oubliez pas non plus de prendre soin de vous. Ce parcours demande de l’énergie, et pour accompagner au mieux votre enfant DYS, vous devez rester en forme. Accordez-vous des pauses, déléguez quand c’est possible, et célébrez chaque avancée. Votre enfant sentira votre détermination et votre soutien indéfectible.

En conclusion, le parcours de santé d’un enfant DYS est un chemin parfois long et sinueux, mais jamais insurmontable. Avec les bonnes informations, les bonnes aides, et beaucoup d’amour, on parvient à transformer les obstacles en simples étapes. Vous n’êtes pas seuls sur la route : professionnels, associations et autres parents forment une véritable communauté de soutien. Pas à pas, vous aiderez votre enfant à déployer ses ailes, et vous verrez qu’avec les bons accompagnements, ses troubles DYS ne l’empêcheront pas de s’épanouir et de réussir à sa manière. Courage, chaque étape franchie est une victoire !

Partagez :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut