Apprendre les mathématiques avec une dyscalculie : méthodes et astuces

Temps de lecture : 10 minutes

Comment aider un enfant dyscalculique à progresser en maths tout en préservant sa confiance en lui ? En misant sur des méthodes pédagogiques adaptées et beaucoup d’astuces du quotidien ! Dans ce dernier article de notre dossier, nous vous proposons des strategies concrètes à appliquer à la maison et en classe. Objectif : rendre les maths plus accessibles, moins stressantes, et redonner le sourire à nos enfants en difficulté avec les nombres.

Adapter l’apprentissage : le maître-mot

Quand un enfant est dyscalculique, il est illusoire de vouloir lui enseigner les mathématiques exactement comme aux autres. Il faut adapter l’apprentissage à son mode de fonctionnement. Cela ne signifie pas baisser les exigences ou renoncer aux maths, mais emprunter d’autres chemins pour arriver aux mêmes buts.

Par exemple, un enfant neurotypique va comprendre assez vite que 7 + 5 = 12 en mémorisant ce fait ou en le déduisant avec ses doigts. Un enfant dyscalculique, lui, peut rester bloqué à recompter “1,2,3… jusqu’à 12” longtemps. L’adaptation va consister peut-être à lui apprendre autrement : en s’aidant d’un visuel (comme une bande numérique où il saute de 7 cases puis 5 cases), ou en chantant une petite comptine, ou en lui faisant manipuler 7 jetons puis 5 jetons… Bref, on change de porte d’entrée.

Il faut aussi adapter le rythme. Ces enfants ont besoin de plus de temps pour acquérir certaines notions, et c’est OK. On ne passe pas à la division si l’addition n’est pas comprise, même si le programme scolaire le prévoit. On prend le temps de consolider les bases. Cela peut impliquer de réviser différemment pendant les vacances, ou de revenir régulièrement en arrière pour rafraîchir la mémoire (parce que les acquis ont tendance à s’envoler plus vite).

L’adaptation passe par l’observation fine de l’enfant : qu’est-ce qui fonctionne bien chez lui ? Par exemple, s’il est très visuel mais n’aime pas manipuler, on va multiplier les schémas, dessins, couleurs dans les explications. S’il a au contraire besoin de bouger, on intègre du mouvement dans les activités (faire des pas pour compter, des sauts pour les multiplications – 2 sauts de 3 marches = 6 marches montées par exemple). En tant que parent, vous avez la liberté d’être créatif et de tester des approches originales que la maitresse n’a pas le temps d’explorer en classe entière. C’est même souvent à la maison, dans un contexte sécurisant, qu’on peut se permettre ces adaptations sur mesure.

Astuces pédagogiques au quotidien

Passons en revue quelques méthodes et astuces qui ont fait leurs preuves pour aider les enfants dyscalculiques à apprendre les maths autrement. N’hésitez pas à piocher celles qui correspondent le mieux à votre enfant.

1. Approche multi-sensorielle et visuelle

On l’a évoqué dans les précédents articles : faire appel à plusieurs sens est capital. Voir, toucher, entendre les maths, c’est bien plus efficace que les simples chiffres sur un cahier. Concrètement :

  • Manipuler : Utilisez des objets du quotidien pour représenter les problèmes. Des pâtes, des bonbons, des Lego, peu importe ! Si vous expliquez une addition, posez 3 bonbons puis 4 bonbons sur la table, comptez-les ensemble. Pour une soustraction, enlevez-en et demandez combien il en reste. L’enfant visualise l’action mathématique. Pour les nombres plus grands, faites des paquets de 10 (par exemple 10 jetons dans une coupelle = 1 dizaine). L’enfant doit sentir physiquement la différence entre 10 et 1.
  • Schématiser : Encouragez l’enfant à dessiner les problèmes. Par exemple, 6 × 3, il peut dessiner 6 paniers avec 3 pommes dans chaque. Ou utiliser des petits dessins de doigts pour compter. Les diagrammes et dessins aident à créer des images mentales qu’il retiendra mieux que des chiffres. De même, utilisez des couleurs pour distinguer les colonnes des unités/dizaines ou les différentes opérations.
  • Verbaliser : Faites-le parler tout haut en même temps qu’il réfléchit. Parfois, dire à voix haute « je dois multiplier par 4, ça veut dire ajouter 4 fois » l’aide à se concentrer. De votre côté, verbalisez vos actions quand vous montrez un exemple : « Je prends 2 cubes, je les mets avec 3 cubes, ça me fait… comptons ensemble… 5 cubes ! ». Cette simultanéité parole + geste + vision ancre mieux l’information.
  • Jouer avec les sens originaux : Par exemple, il existe des puzzles tactiles de chiffres (le contour du chiffre est rugueux, l’enfant trace avec le doigt). Ou des applications où on entend la longueur d’un nombre (certains logiciels font des sons plus ou moins longs selon la taille du nombre). Ce sont des façons détournées de faire ressentir la notion de quantité ou de valeur.

2. Segmenter et expliciter chaque étape

Les enfants dyscalculiques se perdent souvent dans les problèmes multi-étapes ou les consignes complexes. Il faut donc découper les tâches en morceaux digestes. Pour un exercice donné :

  • Une étape à la fois : S’il faut résoudre un problème en plusieurs opérations, aidez l’enfant à isoler d’abord ce qu’on cherche. Par exemple : “Il y a 3 bols avec 4 pommes chacun, combien de pommes en tout si on en rajoute 2 ?” On peut dire : « Bon, d’abord combien de pommes dans les bols ? (3 × 4), on calcule ça. OK 12. Ensuite on ajoute les 2 pommes en plus, donc 12 + 2… ». Écrivez ou faites-lui écrire chaque sous-étape séparément, éventuellement sur des papiers distincts qu’on assemble.
  • Reformuler la consigne : Apprenez-lui à reformuler avec ses mots ce qu’il doit faire. Par exemple “alors, qu’est-ce qu’on me demande au juste ?”. Si nécessaire, simplifiez le texte du problème vous-même (sans donner la réponse bien sûr). On peut barrer les infos inutiles, surligner les chiffres importants, dessiner à côté. Bref, rendre la consigne la plus claire possible.
  • Donner des astuces mnémotechniques : Pour les procédures, n’hésitez pas à enseigner des petits “trucs”. Par exemple, pour retenir 7 × 8 = 56, on apprend la phrase “Cinquante-six = 7 jours dans la semaine × 8 pattes à l’araignée”. Pour se souvenir que dans 36 le 6 c’est les unités et 3 c’est les dizaines, on peut imaginer 3 tasses de 10 bonbons et 6 bonbons seuls, etc. Ces histoires ou associations d’idées aident l’enfant à se rappeler des étapes ou des résultats.

3. Routines et repères spatio-temporels

Les notions de temps et d’espace en mathématiques (et même dans l’organisation des devoirs) peuvent être floues pour un enfant dyscalculique. Mettre en place des routines et utiliser des repères concrets va l’aider à structurer sa pensée.

  • Routine des devoirs : Essayez d’instaurer un cadre régulier pour les maths. Par exemple, “tous les soirs à 18h on fait 10 minutes de maths ensemble”. Ou “le dimanche après-midi on joue à un jeu de société avec des chiffres”. La prévisibilité rassure l’enfant, et la répétition fixe les apprentissages. Bien sûr, on reste flexible si ça ne va pas, mais globalement un rythme fixe évite l’évitement (“on le fera plus tard…” puis on ne fait pas).
  • Calendriers et horaires visuels : Pour les notions de temps (jours, heures), appuyez-vous sur des calendriers illustrés, des horloges pédagogiques. Par exemple, un calendrier où on colle une gommette chaque jour aide à comprendre le déroulement du mois et les durées. Pour l’heure, l’horloge avec code couleur (par ex, quarts d’heure en vert, demi-heures en bleu) peut faciliter l’apprentissage. Ne laissez pas ces outils que pour le cours de maths : intégrez-les au quotidien (“Quelle heure il est ? Montre-moi sur l’horloge”, “Combien de jours avant ton anniversaire ? Regarde le calendrier”). La notion de temps s’acquiert aussi par l’expérience.
  • Organisateurs spatiaux : Pour l’espace, proposez à l’enfant des moyens de se repérer sur la page. Par exemple, pour les opérations posées, utilisez du papier quadrillé comme mentionné, ou tracez des cadres pour chaque colonne. Pour les tableaux (de conversion d’unités, etc.), mettez des couleurs différentes par colonne. L’enfant peut aussi utiliser une règle ou une équerre comme guide pour lire un tableau ou aligner les chiffres. Ce sont des béquilles visuelles qui petit à petit deviendront inutiles, mais au début elles lui apprennent à structurer l’espace de la feuille.

4. Apprendre en jouant et en bougeant

Dédramatiser et donner du sens, voilà deux choses que le jeu permet. Les enfants apprennent souvent sans s’en rendre compte lorsqu’ils sont plongés dans une activité ludique. Quelques pistes :

  • Jeux de société éducatifs : Il existe des tonnes de jeux qui, sans en avoir l’air, font pratiquer les maths. Le jeu du marchande ou du Monopoly pour manipuler de l’argent (faire des échanges, des rendues de monnaie). Le jeu “Les Petits Chevaux” pour compter les déplacements. Des jeux de cartes spécifiques type “Le compte est bon” simplifié. Même un simple jeu de l’oie : on lance les dés, on avance (additionner les dés, compter les cases). Jouer à ça en famille permet à l’enfant de pratiquer le calcul de base dans un contexte convivial, sans la pression de l’école.
  • Cuisine et activités manuelles : La cuisine est un formidable terrain pour les maths : on pèse les ingrédients (grammes, kilogrammes), on mesure les volumes (litres, cuillères), on divise une tarte en parts (fractions), on double une recette (multiplication)… Impliquez votre enfant quand vous faites un gâteau : « Tu peux m’aider à mesurer 200 g de farine ? Regarde, sur la balance, l’aiguille doit aller jusqu’à 200. » C’est concret et valorisant pour lui de contribuer. Idem pour le bricolage : mesurer une planche, calculer combien de carreaux pour tapisser un mur… ce sont des maths appliquées.
  • Bouger pour compter : Beaucoup d’enfants dyscalculiques sont kinesthésiques (ils apprennent mieux en bougeant). Profitez-en : faites des jeux où on saute le nombre qu’il faut compter (sauter à cloche-pied en comptant, faire une marelle des multiplications…), jouez au basket en calculant les points, etc. À l’école certains profs font des “récréations mathématiques” où chaque bonne réponse permet de faire un lancer franc par exemple. À la maison, vous pouvez faire une séance de “gym-maths” de 5 minutes : pour chaque multiplication apprise, l’enfant peut lancer un ballon ou faire un mini parcours. Ça marche bien pour évacuer le stress aussi.

5. Gérer l’anxiété et le rapport aux maths

Un aspect souvent crucial avec la dyscalculie, c’est la peur des maths. L’enfant peut développer une véritable phobie des nombres, alimentée par les échecs répétés. Voici comment l’aider à aborder les maths plus sereinement :

  • Redonner confiance par des réussites : Commencez toujours une session de travail par quelque chose qu’il sait faire ou qu’il aime. Même si c’est tout bête (compter jusqu’à 10 oralement, réciter une table qu’il connaît), valorisez-le : « Tu vois, ça tu y arrives super bien ! ». Ensuite, attaquez une notion plus dure en gardant un ton encourageant. L’idée est de briser la spirale de l’échec. S’il se trompe, dites-lui que c’est normal d’essayer plusieurs fois. Montrez-lui qu’il progresse, même lentement (par exemple, « tu as eu 5 sur 10 à ton dernier exercice, c’est mieux que 3 sur 10 la fois d’avant »).
  • Dédramatiser l’erreur : Instaurez le droit à l’erreur. Pourquoi ne pas créer ensemble un “cahier des erreurs utiles” où on note les erreurs fréquentes et ce qu’on a appris grâce à elles ? Par exemple « J’ai écrit 12 au lieu de 21, maintenant je fais plus attention à l’ordre des chiffres ». Ça transforme l’erreur en expérience positive. Évitez absolument les moqueries ou les reproches en cas d’erreur, même si parfois on est agacé. Restez dans l’explication, pas dans la sanction.
  • Techniques de gestion du stress : Si vous sentez votre enfant crispé à l’approche des maths (il dit qu’il est nul, il souffle, il veut fuir), faites une petite pause détente. Exercez-vous à quelques respirations profondes ensemble, faites un petit jeu de 2 minutes pour se changer les idées, puis revenez aux maths calmement. Apprenez-lui aussi à identifier quand il se sent en panique (mains moites, cœur qui bat vite) et à ce moment-là, à poser son crayon, respirer un grand coup, demander de l’aide s’il est en classe. On peut même avoir une petite carte “anti-panique” avec un smiley zen dans sa trousse pour lui rappeler de souffler.
  • Valoriser l’effort plutôt que la performance : C’est un principe clé. Au lieu de dire “bravo tu as tout bon”, préférez “bravo, tu as vraiment fait un bel effort de réflexion sur ce problème, même si tout n’est pas juste”. Ainsi l’enfant comprend que ce qu’on attend de lui ce n’est pas d’être parfait, mais de faire de son mieux. Et son mieux à lui ne se compare pas aux autres. En changeant ce référentiel, on allège une grosse part de sa pression.

6. Faire équipe avec l’école et les spécialistes

Vous n’êtes pas seul dans cette aventure. Communiquez avec l’enseignant de votre enfant : discutez des adaptations possibles en classe (beaucoup d’idées qu’on a vues peuvent être mises en place aussi à l’école). Par exemple, l’autorisation d’une table de multiplication imprimée sur le bureau, plus de temps pour les contrôles, moins de problèmes à traiter mais plus guidés… Les textes officiels prévoient des aménagements pour les élèves Dys (via un PAP ou un PPS), n’hésitez pas à les solliciter.

Si possible, rapprochez-vous d’un orthophoniste ou neuropsychologue qui connaît la dyscalculie. Même quelques séances d’orthophonie pour les “troubles logico-mathématiques” peuvent donner des bases méthodologiques à votre enfant. Les pros pourront vous expliquer comment eux s’y prennent, et vous pourrez réinvestir ces méthodes à la maison pour faire le lien.

Il peut être utile aussi de mettre en place un tutorat (par un enseignant spécialisé ou un étudiant en maths patient) une fois par semaine, pour reprendre les notions du programme calmement. Parfois un autre adulte peut débloquer des choses simplement car il apporte un autre angle ou qu’il y a moins d’affect qu’avec papa/maman.

Enfin, pensez à échanger avec d’autres parents confrontés aux mêmes défis. Via des associations (FFDys, DMF, etc.), des groupes Facebook, on trouve plein de trucs et astuces, on se soutient moralement aussi. Vous découvrirez peut-être un jeu en ligne génial dont vous n’aviez pas connaissance, ou simplement le récit rassurant d’un parent dont l’enfant dyscalculique a finalement eu son brevet avec mention grâce aux aménagements. Cette solidarité fait du bien et évite de rester isolé avec ses questions.

🎓 Check-list pour accompagner un enfant dyscalculique en maths

  • Favoriser le concret et le visuel : Toujours commencer par des exemples réels, des objets, des dessins pour introduire une notion mathématique. Ce passage par le tangible aide l’enfant à ancrer la notion avant d’aller vers l’abstrait.
  • Y aller étape par étape : Ne pas hésiter à découper un exercice en sous-exercices. Traitez une opération après l’autre, une question à la fois. Célébrez chaque sous-étape réussie pour encourager l’enfant à poursuivre sur la suivante.
  • Instaurer des repères constants : Utiliser les mêmes termes simples pour les consignes, la même méthode pour poser une opération, les mêmes supports (cahier à gros carreaux, code couleur) afin de créer une routine rassurante. La cohérence et la répétition installent progressivement des automatismes.
  • Intégrer les maths dans la vie quotidienne : Profitez des situations courantes pour faire des maths sans en avoir l’air (cuisine, courses, jeux de société). Cela donne du sens aux nombres et montre à l’enfant que les maths ne sont pas qu’une matière scolaire abstraite, mais un outil pour la vraie vie.
  • Gérer le stress positivement : Surveillez les signes de découragement et intervenez tout de suite avec une pause, un mot d’encouragement. Rappelez à l’enfant ses réussites antérieures, même petites. En cas de blocage, mieux vaut arrêter et reprendre plus tard en changeant d’approche, plutôt que de s’acharner.
  • Collaborer avec l’entourage scolaire : Maintenez un dialogue régulier avec l’enseignant. Partagez ce qui marche à la maison, et écoutez ses conseils pour la classe. Si un PAP/PPS est en place, assurez-vous qu’il est bien appliqué et ajusté si besoin en fonction de l’évolution de votre enfant.
  • Consulter en cas de besoin : Si malgré vos efforts l’enfant reste en grande souffrance face aux maths, ne tardez pas à faire appel à un professionnel (orthophoniste, psychologue spécialisé). Quelques séances peuvent permettre de mieux cibler les stratégies d’apprentissage et de débloquer la situation.
  • Garder espoir et patience : Les progrès en mathématiques peuvent être lents et inégaux avec une dyscalculie, mais ils existent. Gardez en tête que chaque enfant a son rythme. En restant patient, bienveillant et en valorisant les petites avancées, vous aidez votre enfant à ne pas baisser les bras. Avec du soutien, il pourra trouver sa manière de maîtriser les nombres et gagner en autonomie pas à pas.

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