Pourquoi les services secrets britanniques recrutent des dyslexiques ?

Temps de lecture : 3 minutes

Spoiler : parce que penser “de travers” est parfois la façon la plus droite d’arriver à la bonne réponse.

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Le GCHQ, l’agence britannique chargée du renseignement d’origine technique (la “sœur” techno de MI5/MI6), affirme haut et fort que les profils neuroatypiques — dont les dyslexiques — sont mission-critical. Concrètement, leurs analystes doivent dépister de minuscules anomalies dans des océans de données, repérer des motifs, connecter des indices éparpillés et proposer des solutions inédites.
Ce sont précisément des forces souvent observées chez les personnes dyslexiques : reconnaissance de patrons, vision d’ensemble, pensée latérale, créativité appliquée.

Dans des interviews publiques ( Made by dyslexia ) , des analystes de GCHQ expliquent par exemple qu’ils/elles “voient le grand tableau” plus vite, qu’un déclic survient quand les pièces s’assemblent, et que leur manière d’expliquer peut passer par des schémas, cartes mentales ou récits plutôt que par de longs textes. L’organisation, de son côté, aménage l’environnement de travail (logiciels de mind-mapping, dictée vocale, textes lus à voix haute, filtres visuels, temps supplémentaire) et adapte le recrutement (bullet points plutôt que dissertations, tableau blanc en entretien, questions traitées une par une).
Bref : au lieu d’ignorer la différence, ils en font un levier.

À noter : GCHQ indique avoir, sur ses programmes d’apprentissage, 3 à 4 fois plus d’apprentis dyslexiques que la moyenne. On ne parle donc pas d’exception, mais d’une stratégie.

Voir la forêt quand les autres regardent l’arbre

Les personnes dyslexiques développent souvent des stratégies cognitives qui favorisent la vision d’ensemble, la reconnaissance de formes et le raisonnement spatial. Dans un océan de données — flux de communications, métadonnées, signaux numériques — repérer une anomalie ou une relation cachée peut prévenir une attaque ou déjouer un réseau criminel. Les recruteurs du GCHQ disent chercher des profils capables de modulariser le bruit et d’extraire rapidement la structure utile.

Ce que la dyslexie change (vraiment) dans un métier d’analyse

  • Filtrer le bruit : au milieu de logs, signaux réseau, images ou transcriptions, repérer “le truc qui cloche”.
  • Relier vite : voir qu’un détail apparemment banal s’aligne avec un autre élément observé la veille.
  • Prototyper des chemins : proposer un angle d’attaque imprévu, une expérience, un détournement d’outil.
  • Raconter l’essentiel : quand on pense en images ou en structures, on raconte l’info plutôt que d’empiler du jargon — utile pour décider vite.

Si vous êtes parent d’un enfant DYS, tout ça vous semblera familier : la voie d’accès à l’idée n’est pas toujours linéaire… mais l’idée est souvent excellente. Les Atouts de la Dyslexie en Entreprise

Le recrutement et l’accueil sur le terrain : pas du folklore

GCHQ ne se contente pas d’ouvrir la porte : l’organisation adapte ses processus. Exemples concrets partagés par des membres anonymes : possibilité d’utiliser des cartes mentales pendant l’entretien, temps supplémentaire, supports visuels (tableaux blancs), outils d’aide (lecture audio, reconnaissance vocale), et réseaux de soutien interne. L’objectif n’est pas de contourner la différence mais de l’exploiter au mieux pour la mission.

Une histoire qui remonte loin — et qui n’est pas un mythe

On évoque souvent Bletchley Park et les casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale comme antécédent historique. Même si certaines affirmations (qui voudraient faire d’Alan Turing un cas confirmé de dyslexie) restent discutées, la culture d’organisation qui valorise la diversité cognitive y est ancienne. Aujourd’hui, cette façon de penser est formalisée : partenariats avec des associations (ex. Made By Dyslexia), puzzles de recrutement, et taux d’apprentis dyslexiques remarquablement élevés sur certains programmes.

“Dyslexic Thinking”, une compétence assumée

Depuis 2022, LinkedIn reconnaît “Dyslexic Thinking” comme une compétence : pattern recognition, raisonnement spatial, pensée latérale, communication. Ce n’est pas du vernis marketing ; c’est une manière de nommer des aptitudes utiles à l’ère de l’IA, où les machines trient vite et les humains imaginent, relient, priorisent.

Pour les ados et jeunes adultes DYS, c’est un message puissant : vos stratégies cognitives ne sont pas des rustines, ce sont des atouts métiers.

Et côté orientation : quels métiers “pensée-motifs” ?

Renseignement, cybersécurité, data-analyse, design d’info, cartographie, UX, investigation, maintenance prédictive, audiovisuel… Partout où il faut repérer, connecter, simplifier, un profil DYS peut briller.

Astuce simple pour aider un ado à le sentir : faites-lui trier un gros ensemble hétéroclite (photos, stats, infos) pour en extraire un tableau clair. Si ses yeux pétillent, vous tenez un fil.

Pas un conte de fées : des obstacles existent, on les contourne

Oui, lire/écrire peut être plus coûteux ; oui, certaines tâches demandent plus de temps. La bonne nouvelle : quand l’environnement est pensé (outils, formats, attentes), le bénéfice net des forces DYS explose. C’est ça, la leçon de GCHQ : designer le cadre pour libérer le talent.

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