
L’école inclusive : un droit pour chaque enfant DYS
Avoir un enfant DYS (dyslexique, dyspraxique, dysphasique, etc.) scolarisé peut ressembler à un parcours semé d’embûches. Heureusement, la loi française protège le droit de ces élèves à une éducation adaptée. La loi du 11 février 2005 sur le handicap a affirmé que « tout enfant en situation de handicap a droit à une scolarisation adaptée ». Autrement dit, dès la maternelle et jusqu’au lycée, l’école doit s’adapter à l’enfant – et non l’inverse. Cette loi, renforcée par le Code de l’éducation (articles L112-1 à L112-5), oblige les établissements à mettre en place des aménagements pédagogiques dès qu’un besoin est identifié.
Concrètement, cela signifie que si votre enfant présente un trouble DYS, il a le droit à des adaptations pour compenser ses difficultés : par exemple plus de temps pour les examens, l’utilisation d’un ordinateur, des supports de cours adaptés, etc. En 2019, une circulaire a même précisé les aménagements spécifiques aux examens pour les élèves à besoins éducatifs particuliers. Malgré ce cadre solide, il n’est pas rare que les familles doivent batailler pour faire appliquer ces droits au quotidien.
PAP ou PPS ? Deux plans d’accompagnement à connaître
Derrière ces sigles se cachent les deux principaux dispositifs pour organiser l’aide scolaire d’un enfant DYS : le PAP (Plan d’Accompagnement Personnalisé) et le PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation). Ils poursuivent le même objectif – adapter la scolarité de l’enfant – mais diffèrent par leur degré de formalité et les recours qu’ils offrent.
Le Plan d’Accompagnement Personnalisé (PAP) est un dispositif interne à l’école qui s’adresse aux élèves ayant des troubles des apprentissages sans être reconnus comme handicapés. Mis en place par l’équipe éducative avec accord des parents, il liste les aménagements pédagogiques dont l’enfant a besoin en classe et durant les évaluations. Par exemple, un PAP peut prévoir un allègement du travail écrit, l’utilisation de police d’écriture adaptée, des consignes simplifiées, ou encore un emploi du temps aménagé pour permettre à l’enfant d’aller à ses séances d’orthophonie. Le PAP est flexible : il est révisé chaque année en fonction des progrès de l’élève. Son grand avantage est sa simplicité : pas besoin de passer par un organisme externe, tout se décide au sein de l’école. Notez qu’un élève sous PAP peut bénéficier d’aménagements aux examens (Brevet, Bac) également, à condition d’en faire la demande au rectorat avec un certificat médical.
Le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) va plus loin et concerne les élèves dont le trouble est considéré comme un handicap nécessitant des compensations plus importanteseducation.gouv.fr. Le PPS est défini par la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) : c’est un plan officiel, décidé par la commission des droits de la MDPH (la CDAPH) sur la base d’un dossier que vous constituez. Grâce au PPS, votre enfant peut obtenir des aides humaines (comme une AESH, Accompagnant d’Élève en Situation de Handicap) ou matérielles (comme un ordinateur financé) pour l’aider en classe. Le PPS ouvre aussi droit aux aménagements d’examens et à d’éventuelles aides financières (par exemple l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, AEEH). C’est un plan plus lourd à mettre en place, mais aussi plus protecteur : il engage l’Éducation nationale à fournir ce qui est notifié, et les décisions de la MDPH peuvent être contestées en cas de désaccord.
Côté pratique : Le PAP suffit souvent pour un enfant DYS qui a “seulement” besoin d’adaptations pédagogiques. Il évite de passer par la case handicap. En revanche, si les difficultés de votre enfant sont majeures ou si le PAP ne suffit pas, le PPS via la MDPH peut apporter des ressources supplémentaires (AESH, matériel, etc.).
Lien interne utile : Pour vous aider à choisir entre PAP et PPS, n’hésitez pas à consulter notre article dédié « PAP et PPS : choisir le bon plan pour élèves DYS » sur Dysclick.
Des aménagements concrets du primaire au lycée
Chaque enfant DYS est unique, et les aménagements varient selon les besoins. Voici quelques exemples d’adaptations possibles à l’école :
- Aménagements en classe : utilisation d’un ordinateur ou d’une tablette à la place des cahiers (utile pour un dyslexique ou dyspraxique), photocopies des leçons plutôt que copiage, tables adaptées en taille, port d’un casque anti-bruit pour aider à la concentration… Un élève dyspraxique pourra par exemple avoir un clavier ergonomique et des feuilles à grands carreaux pour écrire plus lisiblement.
- Adaptations des cours et devoirs : consignes reformulées en langage simple, documents imprimés en police Dys-friendly (ex : Arial, Verdana, OpenDyslexic), réduction du nombre d’exercices si la fatigue cognitive est trop grande, autorisation de présenter un exposé à l’oral au lieu d’un écrit. Par exemple, on pourra limiter à 5 mots de dictée au lieu de 15 pour un enfant dysorthographique, en privilégiant la qualité à la quantité.
- Évaluations aménagées : contrôle en QCM au lieu de questions ouvertes, plus de temps pour chaque épreuve (le fameux tiers-temps supplémentaire, quasi systématique pour les DYS aux examens), possibilité de lire les questions à voix haute pour vérifier la compréhension, ou utilisation d’un scribe (quelqu’un qui écrit à la place de l’élève sous dictée). Au lycée, un dyslexique peut avoir le droit d’utiliser un ordinateur avec correcteur orthographique activé pendant les examens.
Au-delà de ces exemples, l’important est d’adapter le contexte sans abaisser les exigences sur le fond. Un élève dyscalculique, par exemple, devra maîtriser les mêmes théorèmes de maths que les autres, mais on pourra lui laisser sa calculatrice plus souvent ou évaluer sa compréhension à l’oral plutôt qu’à l’écrit.
Pour les grands examens officiels (le Brevet en 3e, le Baccalauréat en Terminale), il faut anticiper. Le chef d’établissement ou les parents doivent faire une demande formelle d’aménagement d’épreuves dès le début d’année de l’examen, en joignant un certificat médical détaillé. On peut obtenir par exemple : 1/3 temps supplémentaire, utilisation d’un ordinateur, épreuves dans une salle isolée, etc. Cette demande part au rectorat qui rend une décision officielle. Bon à savoir : ces aménagements d’examen sont accessibles aussi bien aux élèves en PPS qu’à ceux en PAPmonparcourshandicap.gouv.fr, dès lors que le trouble est attesté par un médecin. Pour un aperçu détaillé des mesures spécifiques au Brevet, voyez notre article « Aménagements DYS au Brevet : ordi, tiers-temps, scribe » sur Dysclick.
Obtenir un PAP ou un PPS : démarches pas à pas
Comment demander un PAP ? Bonne nouvelle, c’est relativement simple. Vous (ou l’enseignant de votre enfant) pouvez solliciter un PAP à tout moment de la scolarité. En pratique, prenez rendez-vous avec l’enseignant principal (ou le directeur d’école) pour discuter des difficultés de votre enfant. Si un bilan (orthophonique, psychologique…) a déjà identifié un trouble DYS, apportez-le en appui. Le médecin scolaire devra donner son avis : il examine l’enfant (et les bilans fournis) pour confirmer que les troubles justifient un PAP. Une fois l’avis favorable, l’équipe éducative (enseignants, éventuellement le psychologue scolaire, vous les parents, et éventuellement un AESH si l’enfant en a déjà un) se réunit pour rédiger le plan. Ce document liste noir sur blanc les aménagements accordés. Vous le signez, et voilà ! Le PAP sera appliqué en classe et fera l’objet d’un suivi chaque année.
Comment monter un dossier PPS via la MDPH ? C’est plus formel. Il faut remplir un dossier MDPH (disponible en ligne ou auprès de votre MDPH départementale) pour “demander une orientation et des prestations” pour votre enfant. Ce dossier comprend notamment : un formulaire CERFA de demande, un certificat médical (rempli par un médecin, par exemple votre médecin traitant, datant de moins de 6 mois), les comptes-rendus de bilans (orthophonie, neuropsychologue, etc.), et un formulaire GEVASco rempli par l’école. Le GEVASco est un document où l’enseignant décrit la situation scolaire de l’élève et les aménagements déjà en place. Une fois le dossier complet envoyé, la MDPH le fait évaluer par une équipe pluridisciplinaire, qui élabore un projet de scolarisation en fonction des besoins de l’enfanteducation.gouv.fr. La CDAPH (commission handicap) statue ensuite : elle peut par exemple attribuer une aide humaine (AESH) pour un nombre d’heures défini, du matériel, ou une orientation en classe ULIS (un dispositif collectif) si nécessaire. Vous recevrez une notification écrite de la MDPH avec les décisions. Ensuite, retour à l’école : l’enseignant référent (voir glossaire) organise la mise en place du PPS et assurera un suivi annuel (réunion ESS – Équipe de Suivi de Scolarisation).
Conseil : Constituer un bon dossier MDPH prend du temps. N’hésitez pas à vous faire aider par une association de parents ou un travailleur social. Soyez précis dans la description des besoins de votre enfant. Et suivez bien l’avancement, car les délais de traitement peuvent aller de quelques mois à près d’un an selon les départements.
Lien interne utile : Pour plus de détails sur la constitution du dossier MDPH, consultez notre guide « Réussir son dossier MDPH pour enfant DYS » sur Dysclick, qui liste toutes les pièces à fournir et les écueils à éviter.
Attention aux écueils : ce qu’il ne faut pas faire
Même avec la meilleure volonté, on peut parfois se tromper. Voici quelques erreurs courantes à éviter :
- Attendre trop longtemps : Ne pas “voir” ou minimiser les difficultés en espérant que ça passe peut faire perdre un temps précieux. Plus tôt les adaptations sont mises en place, moins l’enfant accumule de retard. Donc dès les premiers signaux d’alerte (difficultés persistantes en lecture, écriture illisible en CP/CE1, etc.), parlez-en à l’école ou au médecin.
- Choisir le mauvais plan : Un PAP est plus rapide à obtenir, mais ne donne pas accès à une AESH ou aux aides financières. À l’inverse, un PPS sans réelle nécessité peut alourdir les démarches inutilement. Basez-vous sur les bilans : un trouble “léger” bien compensé par des aménagements pédagogiques se gère en PAP ; un trouble “sévère” impactant fortement la vie scolaire justifie un PPS.
- Bâcler le dossier MDPH : Si vous faites une demande, soignez la constitution du dossier. Une pièce manquante ou un formulaire mal rempli peut retarder ou faire rejeter la demande. Par exemple, un certificat médical trop ancien ou un GEVASco oublié dans le dossier sont des motifs fréquents de refus.
- Ne pas inclure l’enfant : Selon son âge et sa maturité, expliquez-lui ses droits et impliquez-le dans les adaptations. Un collégien DYS doit comprendre qu’il a le droit d’utiliser son ordinateur ou de demander une reformulation s’il ne comprend pas. Cela l’aidera à devenir acteur de ses aménagements.
- Baisser les bras face à l’école : Si vous sentez des résistances (un enseignant peu informé qui traîne des pieds pour appliquer le PAP, un matériel qui n’est pas mis à disposition, etc.), ne restez pas isolé. Demandez une réunion avec le directeur, sollicitez l’enseignant référent ou le psychologue scolaire. La communication claire (et courtoise) lève bien des malentendus. Parfois, les profs manquent de formation sur les DYS : apporter des explications ou des ressources peut les aider à mieux comprendre.
Faire valoir ses droits : ne rien lâcher, poliment mais fermement
Malgré toutes les lois, il arrive encore que des droits élémentaires ne soient pas respectés. Voici quelques recours si vous êtes dans une impasse :
- Dialogue et médiation locale : Premier réflexe, prenez rendez-vous avec le directeur d’école ou le chef d’établissement. La plupart des problèmes se règlent à ce niveau. Vous pouvez aussi solliciter le Référent handicap de l’Éducation nationale dans votre secteur (l’enseignant référent) pour qu’il rappelle à l’école ses obligations.
- Appui des associations : Des associations de parents d’enfants DYS (comme APEDYS, Dyslexie France, etc.) peuvent vous conseiller. Elles connaissent bien les textes officiels et peuvent vous orienter vers les bonnes personnes à contacter. Certaines proposent même des courriers-type pour faire valoir un droit.
- Le “Défenseur des droits” : En dernier recours, vous pouvez saisir le Défenseur des droits (une autorité indépendante) qui traite notamment les discriminations liées au handicap. Par exemple, si on refuse l’inscription de votre enfant dans une école à cause de son trouble, ou si un examen aménagé accordé n’est finalement pas respecté le jour J, vous pouvez le contacter. Souvent, le simple fait de mentionner cette possibilité suffit à débloquer bien des situations.
- Recours administratif : Concernant les décisions MDPH, vous avez la possibilité de faire un recours (gracieux ou contentieux) si l’aide demandée a été refusée ou jugée insuffisante. Cela peut se faire par lettre motivée à la MDPH puis éventuellement devant le tribunal administratif. De même, une décision de l’Éducation nationale (refus d’aménagement d’examen par exemple) peut être contestée juridiquement. C’est une démarche longue, mais savoir qu’elle existe peut parfois peser dans la balance.
En résumé
Faire appliquer les aménagements scolaires pour un enfant DYS demande souvent de la persévérance, mais le jeu en vaut la chandelle. Grâce aux textes en vigueur, votre enfant a le droit d’apprendre comme les autres, avec simplement quelques ajustements pour compenser son trouble. N’hésitez jamais à rappeler la loi (toujours calmement) lors de vos échanges avec l’école : parfois une simple référence à la circulaire ou à la loi de 2005 suffit pour prendre au sérieux votre demande. Et souvenez-vous que vous n’êtes pas seuls : beaucoup de parents sont passés par là. Ensemble, en partageant informations et expériences, on fait peu à peu évoluer les mentalités vers une école vraiment inclusive où chaque élève peut donner le meilleur de lui-même, DYS ou pas DYS.
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